Se disant elle-même toujours prête à relever un défi, Mandy s’est inscrite au programme. Au bout de quelques mois, elle a obtenu son permis de conduire un camion commercial AZ de l’Ontario et a été embauchée par une grande entreprise de camionnage ayant un terminal à Scarborough.

L’industrie du camionnage a besoin de Mandy — et de nombreuses autres femmes comme elle. Encore le principal mode de transport de marchandises au Canada, le camionnage fait face à une grave pénurie de main-d’oeuvre. En fait, l’Alliance canadienne du camionnage prévoit que, d’ici 2024, il pourrait manquer jusqu’à
48 000 conducteurs.

Depuis dix ans, l’industrie canadienne a compris qu’elle devait faire de la place aux femmes, lesquelles ne représentaient que 3 % des personnes au volant d’un camion en 2011. « Il n’est pas seulement question de faire une bonne action. C’est une décision d’affaires », explique Isabelle Hétu, directrice des Programmes et services à RH Camionnage Canada, un organisme sans but lucratif d’Ottawa qui tente de régler les problèmes de gestion des ressources humaines dans les domaines du camionnage et de la logistique. En 2014, cet organisme a lancé l’initiative « Femmes en mouvement » pour attirer des femmes dans l’industrie.

« Je ne veux pas être
une rapporteuse, je ne
veux pas de problèmes… Il n’y aura personne
pour me protéger. »

Tout n’est pas rose pour autant. Selon une Ontarienne qui possède une longue expérience en camionnage, mais qui préfère rester anonyme, l’industrie du camionnage est un « club de dinosaures » qui voudrait confiner les femmes au service du café et qui dit à la génération Y de se taire. Des collègues camionneuses lui ont raconté avoir eu à conduire des camions surchargés, avoir été négligées par leurs répartiteurs ou avoir hérité de trajets qui ne prévoyaient pas assez d’endroits où faire le plein de carburant. Pourtant, la majorité d’entre elles ont peur de porter plainte officiellement parce qu’elles sont trop peu nombreuses et craignent de perdre leur emploi.

« C’est ma vie, mon gagne-pain. »

Quand Mandy a commencé son emploi, elle a demandé combien il y avait de camionneuses dans l’effectif. La réponse a été trois, mais aucune femme noire comme elle. Elle n’a pas tissé de liens avec les autres camionneuses et n’est pas pressée de le faire. « Je ne veux pas être une rapporteuse, je ne veux pas de problèmes. J’aurai à travailler de nuit ici. Il n’y aura personne pour me protéger. C’est ma vie, mon gagne-pain. »

Nadine Gauthier
Photo: THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson

Les camionneuses ne se font pas toutes faire la vie dure. Chauffeuse de camions dans la région de Montréal depuis 14 ans, Nadine Gauthier, 45 ans, adore son travail. « On est libre, on se rend dans toutes sortes d’endroits et on rencontre plein de gens », remarque cette camionneuse d’expérience. De toute évidence, elle le fait bien puisqu’elle est devenue, en 2015, la première femme à recevoir le titre d’Ambassadeur de la route décerné par l’Association du camionnage du Québec. Cette distinction est remise tous les trois ans aux chauffeurs possédant un dossier de conduite exemplaire.

Nadine n’a jamais vécu le début d’une pointe de discrimination au travail. Elle est donc heureuse de voir les chauffeuses se faire de plus en plus nombreuses, lentement mais sûrement, à mesure que les employeurs assouplissent les horaires en fonction des obligations familiales dans le but de recruter des femmes.

Toujours en formation chez son employeur depuis trois mois, Mandy Cooper veut garder espoir. Ses relations avec l’un ou l’autre de ses formateurs ne sont pas très bonnes. Ils l’ont traitée comme une enfant, l’ont réprimandée et ont rapporté la moindre de ses erreurs à son gestionnaire. Elle est pourtant déterminée à tenir le coup, en précisant avoir reçu le soutien de la plupart de ses collègues.

Mandy sera contente de terminer sa formation. Quand elle sera officiellement embauchée, elle sera rassurée. « J’ai hâte au jour où je pourrai travailler toute seule », reconnaît-elle.

Les femmes ne représentent que 3 % des personnes au volant d’un camion de transport.


Camionnage commercial

des personnes au volant d’un camion de transport sont des femmes

Source : Commission canadienne des droits de la personne, 2017

En 2017, la Commission a poursuivi la promotion de l’équité des chances en emploi pour les quatre groupes désignés dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi : les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les personnes qui font partie des minorités visibles. Au nombre des vérifications en fonction de certains problèmes qui seront menées bientôt, mentionnons une analyse comparative entre les sexes pour que la Commission puisse déterminer s’il y a des progrès quant à la représentation des femmes dans l’ensemble des segments de la main-d’œuvre.